L’Hypnose et les Émotions

Presse: Article paru dans Biocontact - juin 2006 - pages 64 à 66

Une méthode de relaxation poussée qui permet d’entrer en contact avec les racines de nos émotions pour mieux les maîtriser au niveau conscient.

Il existe cinq émotions essentielles qui sont la joie, la peur, la colère, la tristesse et le dégoût. La seule émotion vécue comme agréable est la joie. Face aux événements de la vie, nous ressentons des émotions différentes, d’une manière brusque et involontaire en fonction de notre interprétation de la situation.

On pourrait penser que l’événement en soi déclenche l’émotion. En réalité, c’est la manière dont on interprète l’événement qui est responsable de l’émotion ressentie. Imaginez une salle de classe où le professeur annonce que Pierre, un bon élève, a eu une mauvaise note à un contrôle. Un élève peut en être content car il se dit : « C’est la preuve que je suis plus intelligent que Pierre ». Le meilleur ami de Pierre se sent triste car il partage le chagrin de Pierre. Un autre élève peut se sentir anxieux en se disant : « Si Pierre a eu une mauvaise note, cela veut dire que probablement j’ai aussi une mauvaise note ». Chez Pierre, sa mère peut se sentir en colère si elle considère que le professeur a été trop sévère en donnant une mauvaise note à son fils.

Cet exemple illustre le fait que le contenu particulier de l’interprétation de l’événement aboutit à une réponse émotionnelle spécifique.

 

Ces croyances qui nous influencent

Si une personne ressent souvent le même type d’émotion face aux situations variées de la vie quotidienne, cela est dû au fait que cette émotion est déclenchée par une croyance irrationnelle, consciente ou inconsciente. Par exemple, une personne peut croire qu’elle doit être parfaite dans tout ce qu’elle fait. Chaque fois qu’elle remarque une erreur ou une imperfection dans ses actions, elle va ressentir de l’anxiété, de la tristesse ou de la colère contre elle-même. La croyance : « Je dois être parfait » se situe souvent à un niveau conscient.

Par contre, il existe d’autres croyances qui restent enfouies dans l’inconscient. Par exemple, un très jeune enfant qui a connu un deuil ou une longue séparation avec un parent (ou avec les deux parents) peut développer la croyance erronée : « Je ne mérite pas l’amour » ou « Je ne peux pas être aimé d’une manière stable. »

Une telle croyance devient tacite et est vécue comme une règle de vie implicite. Elle est apparue très tôt, parfois avant l’acquisition du langage. A l’âge adulte, cette personne va tomber amoureuse, d’une manière répétitive, de partenaires :

  • non disponibles (habitant loin ou voyageant beaucoup)
  • incapables d’engagement (personnes mariées)
  • instables (personnes dépressives ou alcooliques ou incapables de procurer une présence affective constante)
  • ambivalents (très amoureux un jour, totalement indifférents le lendemain).

A cause de cette attirance pour ces partenaires inadéquats, la personne va renforcer son sentiment d’abandon et ressentir fréquemment des émotions désagréables telles que la tristesse, la colère, la peur d’être abandonnée ou la peur de ne pas pouvoir construire une vie affective stable.

Pour se libérer de ces émotions négatives répétitives, il importe de modifier les croyances inappropriées et de les remplacer par des croyances adéquates. L’hypnose constitue un outil puissant et rapide pour le traitement de ce type de problème.

 

L’hypnose clinique

L’hypnose peut être conçue comme un état modifié de conscience, un état intermédiaire entre la veille et le sommeil où le sujet hypnotisé se concentre sur l’interaction avec l’hypnotiseur, faisant abstraction de tout le reste. Dans cet état agréable de détente physique, mentale et émotionnelle et de concentration de l’esprit, il devient possible au sujet hypnotisé d’accepter plus facilement les suggestions formulées pour son propre bien. En état hypnotique, il se produit une dissociation de l’esprit grâce à laquelle on peut accéder à l’esprit inconscient. Ainsi, il est possible de traiter de nombreux problèmes émotionnels et psychologiques dans le cadre d’une psychothérapie hypnotique. L’hypnothérapie constitue une psychothérapie efficace, « en profondeur » et de courte durée, permettant d’effectuer chez le patient des changements durables dans la manière d’être, de ressentir les choses et de se comporter. Elle peut également être conçue comme une technique thérapeutique susceptible d’être intégrée à toute forme de psychothérapie.

Quand une personne entre en état hypnotique, sous la direction d’un hypnotiseur, il s’agit d’hétéro-hypnose. Quand c’est le sujet lui-même qui se met en état hypnotique, il pratique l’auto-hypnose. En réalité, toute hypnose est auto-hypnose. La capacité à être hypnotisé est inhérente à tout être humain. L’hypnotiseur est simplement un guide qui vous aide à découvrir cette expérience. Toute personne qui a connu l’état hypnotique en situation d’hétéro-hypnose à deux ou trois reprises est capable de se mettre rapidement en auto-hypnose par elle-même. En situation clinique, on constate que 95 % des personnes peuvent être hypnotisées et bénéficier d’hypnothérapie, si cela est nécessaire.

Il importe ici de distinguer l’hypnose clinique ou l’hypnothérapie de l’hypnose de théâtre. L’hypnotiseur de théâtre recrute des sujets très hypnotisables et volontaires à partir de tests d’hypnotisabilité conçus pour les groupes. Sur scène, ces sujets coopèrent volontiers avec l’hypnotiseur à cause de leur désir de faire du spectacle. Cependant, même en état profond d’hypnose, on reste en contact avec la réalité et on maintient sa capacité de raisonner.

En hypnose clinique, l’état hypnotique est utilisé dans le cadre d’une psychothérapie brève, en association avec la psychanalyse, la thérapie comportementale et cognitive et les approches indirectes et utilisationnelles préconisées par le célèbre psychiatre américain Milton H. Erickson. Ainsi, en hypnothérapie, on pratique l’hypno-analyse, l’hypno-modification du comportement, l’hypno-restructuration cognitive et l’hypnose éricksonienne.

L’hypnose clinique présente de nombreuses applications en psychothérapie. Elle permet de traiter efficacement des problèmes psychosomatiques et fonctionnels tels que la migraine, l’asthme, l’insomnie, le syndrome de l’intestin irritable, des problèmes dermatologiques comme l’eczéma ou le psoriasis. Elle est efficace également dans le traitement des problèmes émotionnels tels que l’anxiété généralisée, les crises de panique, les phobies, la dépression ou l’agressivité.

 

L’hypnose et la gestion des émotions

En pratiquant régulièrement l’auto-hypnose, deux à trois fois par jour, cinq à dix minutes à chaque fois, il est possible de faire baisser rapidement le niveau de l’anxiété ou de stress. Au cours d’études expérimentales dans des laboratoires, il a été démontré que lorsque les muscles du corps d’un sujet sont maintenus en état de détente profonde comme en état d’hypnose, il lui est impossible de se sentir anxieux. A l’inverse, quand l’esprit est anxieux et inquiet, les muscles du corps deviennent tendus. Face au stress de la vie quotidienne, beaucoup de personnes sont tendues et ressentent de l’anxiété. Or, il est plus facile de développer un calme mental et émotionnel en relaxant d’abord les muscles du corps. La pratique quotidienne de l’auto-hypnose, qui est une technique de relaxation, permet de renforcer le calme intérieur. L’auto-hypnose peut également être pratiquée, avec les mêmes résultats, à l’aide de CD enregistrés par l’hypnothérapeute au cours des séances d’hypnothérapie.

En hypno-analyse, l’hypnothérapeute peut aider le sujet anxieux à remonter jusqu’à l’événement qui a été à l’origine de son anxiété chronique. Un tel événement se situe généralement dans l’enfance ou dans l’adolescence. En état de régression en âge pendant la séance d’hypnose, la personne peut, avec l’aide de l’hypnothérapeute, revoir ou revivre l’événement en question, éliminer l’émotion associée à la situation et se libérer des croyances erronées sur soi ou sur les autres liées à l’événement.

Une telle approche se révèle également efficace pour toute émotion désagréable ressentie de manière répétitive.

Certaines personnes manifestent une sorte de surassociation au niveau émotionnel. Elles ressentent les émotions désagréables d’une manière très intense comme si elles étaient submergées par l’affect. A l’opposé, d’autres personnes ne ressentent aucune émotion, même dans des situations dérangeantes pour tout individu. Ces personnes pensent pouvoir se protéger de la souffrance en refusant de ressentir des émotions désagréables. Or, quand on se refuse à ressentir des émotions telles que la colère, la tristesse ou la peur, on devient également incapable de ressentir la joie. Par ailleurs, en fuyant les émotions, on ressent des émotions secondaires d’anxiété et de culpabilité. Tout cela crée un malaise indéfinissable que la personne peut essayer de gérer d’une manière inappropriée par la suralimentation, l’alcool ou les drogues. Dans les cas de personnes dissociées ou surassociées par rapport aux émotions, il s’agit souvent de personnes ayant connu beaucoup de traumatismes graves pendant l’enfance ou pendant l’adolescence.

Ces traumatismes peuvent être des séparations, des deuils, des abus verbaux, physiques ou sexuels, des accidents ou des catastrophes naturelles. Pour ces personnes, il est difficile d’atteindre un équilibre émotionnel tant que les traumatismes du passé n’ont pas été traités. Pour résoudre ces problèmes d’une manière définitive et sans déstabiliser le sujet, l’hypnothérapie reste une des approches thérapeutiques les plus appropriées.

 

Quelques exemples

Certaines personnes ont du mal à s’affirmer. Elles éprouvent le besoin de faire plaisir aux autres en niant leurs priorités et leurs sentiments. En conséquence, dans de nombreuses situations interpersonnelles, elles ressentent de la frustration, de la colère, de la tristesse et un niveau élevé de stress qui, subjectivement, est vécu comme de l’anxiété. De plus, il leur est difficile d’exprimer les émotions d’une manière appropriée. Elles ont tendance à étouffer les émotions, ce qui peut être à l’origine de problèmes psychosomatiques tels que l’asthme, l’eczéma ou la migraine. Par exemple, la personne migraineuse étouffe la colère. Cette gestion inappropriée de la colère provoque des crises de migraine. L’hypnothérapie permet de supprimer les blocages à l’affirmation de soi et d’apprendre à ces sujets à privilégier leurs besoins, leurs sentiments et leurs priorités. Un aspect important de la thérapie pour ces personnes consiste à leur enseigner comment accepter de ressentir les émotions et comment les exprimer verbalement d’une manière socialement acceptable.

Il existe une autre catégorie de personnes qui ont du mal à s’affirmer. Il s’agit de personnes agressives qui se mettent facilement en colère face à des événements de faible importance. Cette agressivité constante peut aboutir à des problèmes cardio-vasculaires. L’hypno-analyse permet de remonter à l’origine de cette agressivité. C’est peut-être une rage ancienne contre un parent trop sévère ou trop autoritaire. En traitant la cause du problème, l’hypnothérapie permet de libérer la personne de la colère répétitive ou exagérée.

Dans le cas de la dépression, la personne ressasse mentalement les échecs et les expériences désagréables du passé. Elle ressent la tristesse et le désespoir. Elle se sent fatiguée physiquement et peut ressentir des symptômes physiques vagues ou spécifiques sans cause organique apparente. L’état hypnotique, en apportant un calme intérieur physique, mental et émotionnel, est en soi thérapeutique parce qu’il permet de rompre ces ruminations. Sous hypnose, le thérapeute peut accéder aux ressources de la personne pour la sortir de la dépression.

Les émotions font partie intégrante de l’être humain. Leur gestion pose quelquefois de graves problèmes. Dans de nombreux cas, l’hypnose clinique constitue un moyen rapide, efficace et définitif de les résoudre, permettant à l’intéressé de trouver l’équilibre émotionnel ainsi que l’autonomie, la confiance en soi et la joie de vivre.

 

Lire 

L’hypnose – Théorie, pratique et technique. Léon Chertok, Payot, 2002.
Comment ne pas se gâcher la vie. Stéphanie Hahusseau, Odile Jacob, 2003.
L’hypnose dans le traitement des migraines et des céphalées de tension. Djayabala Varma, Presses Universitaires du Septentrion, 1997.